Prendre le temps...

« La COVID m'a permis d'avoir plus de temps pour moi, de faire les choses à un rythme plus relax... »

Bernard J., 82 ans, retraité depuis belle lurette

A mourir de rire, non ?   A l'ère pré-covidienne, ce retraité « expérimenté » se targuait d'être actif, sportif et engagé mais prenait tout de même le temps de lire tranquillement son p'tit journal tous les matins en buvant son café.   Et d'aller skier presque tous les jours en période hivernale.   Et de faire régulièrement du vélo l'été.   Et de se pointer quotidiennement au supermarché pour quelques courses de dernière minute.   Bref, une vraie belle vie méritée de retraité ronronnant et relax.   Et pourtant, c'est ce même Bernard J. qui nous dit aujourd'hui, alors que nous sommes en mode stand-by au cœur du maelström pandémique et sans visuel aucun sur la queue de la tempête, que... « Oui... Eh bien... la COVID m'a permis de prendre ENCORE PLUS le temps, d'être PLUS relax, de franchement faire les choses à un rythme NETTEMENT PLUS COOOOOOL... ».  

Vous vous tordez de rire ?  Et peut-être d'autant plus si vous êtes de la génération des 30-55 ans, de celle qui a l'habitude d'un rythme de vie pour le moins « intense » entre le travail, la maison, les enfants et tutti quanti...??

Eh ben NON, justement, ce n'est pas à mourir de rire !   Parce que, primo, Bernard J. est mon père.   Et parce que, secundo, Bernard J. a entièrement, totalement et évidemment raison, en bon expert-retraité qu'il est !

Voilà déjà un an que nous sommes aux prises avec ce virus qui ne semble pas vouloir nous lâcher d'une semelle.

Un an d'attente, de mise en quarantaine psychologique mais également physique.

Un an à concilier travail et études à la maison et à trouver son espace dans des dynamiques familiales chamboulées.

Un an à mesurer ses gestes, à prendre ses distance, à porter le masque, à s'isoler, à se calfeutrer de façon à échapper à l'insidieux virus.

Un an à remettre à demain ce qu'on a envie de faire aujourd'hui et maintenant, à attendre un lendemain qui ne semble jamais être pour demain.

Un an d'éloignement de nos proches, pour les préserver, pour les protéger.   Et aussi pour se préserver, pour se protéger, soi et sa sphère familiale.

Un an de contacts réduits et coupables avec nos amis, à jouer au chat et à la souris avec le couvre-feu, les attestations de déplacement, les confinements et les mesures gouvernementales qu'il est inutile de critiquer mais qui changent tellement souvent - du moins ici en France - qu'on finit par en perdre le fil.

Un an à tenir le coup en attendant des jours enfin meilleurs, en attendant le vaccin, en attendant une immunité collective, en attendant quoi finalement ?

Nous nous apprêtons, d'ici quelques de jours, à boucler une année entière de vie sous le spectre de la COVID.   En mars 2020, du jour au lendemain, le temps s'est figé, d'un seul coup d'un seul.   Un improbable FREEZE général sur image qui nous a pris au dépourvu, les culottes à terre SVP !   STOP, rentrez chez vous et restez chez vous !   A la vitesse grand V, la presque totalité de la planète a été mise aux arrêts...  Interruption totale des activités, suspension des déplacements, fermeture des écoles, des commerces, des entreprises, des frontières. Je vous épargne les détails, que vous connaissez tous déjà.

Alors, bloqués dans l'action, pétrifiés dans l'élan, confinés dans nos maisons, que nous restait-il ?

Du temps.

Et même beaucoup de temps !

Un vrai temps d'arrêt comme peu d'entre nous en avaient vécu avant, comme trop peu d'entre nous avaient choisi d'en faire l'expérience avant.   Parce que, naturellement, on se projette dans l'action, on avance avec le courant, on suit le flow !   Ou parce que notre situation ne nous permet tout simplement pas de marquer l'arrêt.

Mars 2020 - Mars 2021 : Une année blanche, vraiment ?   Vide d'action, vide de normalité, vide de sorties, vide de notre habituelle liberté, est-ce bien cela ?   Ou pleine d'inédits, de questionnements, de remises en perspective, d'aléas, d'ajustements, d'acceptations et de concessions ?

Et un premier confinement qui, faute des moyens logistiques qui sont maintenant en place pour le télétravail ou les cours en distanciel, nous a comblés de temps !   Bien que déstabilisant à premier abord, ce fut...

Un temps de partage en famille, pour se rassembler et se redécouvrir en tant qu'entité, parents et enfants ayant miraculeusement émergé de son antre, pour ensemble jouer, cuisiner, regarder des séries Netflix, faire des puzzles, pédaler, marcher ou courir...

Mais aussi un temps pour soi, un temps de réflexion et d'introspection, pour relever la tête du guidon, pour prendre du recul et se remettre en question.  Où suis-je, là maintenant, et où vais-je à partir de là ?

Un temps pour creuser ses passions et les faire fleurir,

Un temps pour jardiner, bricoler, lessiver, dormir, régresser, s'assoupir, piquer du nez et rêver...

Un temps pour s'arrêter, souffler, respirer et profiter de la vie !

Un temps pour prendre le temps, tout simplement...

J'ai conscience qu'il n'en a pas été de même pour toutes et tous.  J'ai conscience d'être, moi personnellement, privilégiée.   Pour certains, celles et ceux au cœur de la tourmente pandémique, le personnel soignant notamment, le temps s'est accéléré.   Pour d'autres, il s'est étrangement raccourci, parfois jusqu'au dernier souffle.   Ainsi laissons-nous quelques plumes derrière nous...

C'était la chronique du jour, inspirée du vécu de Bernard J., 82 ans et retraité depuis belle lurette, qui nous invite, aujourd'hui, demain et après-demain, peu importe les circonstances, peu importe notre âge, à nous tourner vers l'essentiel, c'est-à-dire...

Prendre le temps !

Merci à Bernard J., cet heureux retraité québécois qui m'a aujourd'hui donné l'opportunité - un peu à vos dépens d'ailleurs - de philosopher, de m'auto-psychanalyser et de m'épancher en toute gravité, solennité et sériosité !